Repositionner et structurer l’expertise contenu chez PrestaShop

Repositionner et structurer l’expertise contenu chez PrestaShop

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Dans cet épisode du podcast UX Content Craft, Apolline Rouzé* (animatrice du podcast), Senior UX writer et co-fondatrice de Lorem UX writing, échange avec Axel Viersac, Lead UX writer, sur le repositionnement et la structuration de l’expertise contenu au sein de PrestaShop.

*Pour éviter de parler de moi à la troisième personne dans cet article, permettez-moi d’utiliser la première personne du singulier 😊

Repositionner et structurer l’expertise contenu chez PrestaShop

Pour ce nouvel épisode de podcast, j’ai le plaisir d’échanger avec Axel Viersac, qui est Lead UX writer chez PrestaShop depuis janvier 2023.

Dans la plupart des entreprises, le contenu est distillé dans plusieurs équipes, parmi plusieurs expertises. Il y a par exemple l’UX writing côté produit, le copywriting côté marketing, mais aussi la rédaction SEO, la rédaction technique, le social média management, la localisation, et bien d’autres selon la structuration des entreprises.

Globalement, on a du mal à voir qui fait quoi et à quel moment. Pourtant, toutes ces disciplines du contenu concourent à la création et à l’amélioration de l’expérience.

Lorsqu’il arrive chez PrestaShop, Axel décide de lancer un travail de grande envergure : repositionner la place du contenu, c’est-à-dire rattacher toutes ces petites îles où gravite l’expertise contenu, pour définir une réelle stratégie, et permettre une cohérence sur l’ensemble de l’expérience.

J’ai donc demandé à Axel de nous partager ce qui a été mis en place jusqu’à aujourd’hui pour repositionner le contenu dans une stratégie plus globale.

Et, puisque ce travail de longue haleine est toujours en cours, il partage également ses prochains chantiers, les prochaines étapes pour 2024.

Bonne lecture ! ☕

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→ Écouter l’épisode du podcast UX Content Craft

Interview — Axel Viersac, Lead UX writer chez PrestaShop🎙️

Apolline — Bonjour Axel. Je suis ravie de t'accueillir sur UX Content Craft ! Ensemble, on va parler de la place du contenu dans une entreprise telle que PrestaShop. Mais avant de rentrer dans le vif du sujet, parlons de ton parcours : comment es-tu arrivé à l'UX writing ?

Axel — Merci de me recevoir, c'est un plaisir d'être invité sur UX Content Craft ! J'imagine que toutes les personnes qui font de l'UX writing ont un parcours plutôt atypique. J'ai fait mes études en philosophie, j'ai un master recherche, donc rien à voir avec le digital ou le design.

Par contre, c’était très lié à l'écriture. C'est ce qui a fait que j'ai commencé la rédaction, en parallèle de mes études : pendant ma licence et mon master, j'écrivais des articles de blog. À l'époque, je faisais des interviews de groupes de musique.

Lors d'un stage en galerie d'art, j’ai aussi mis le nez dans les réseaux sociaux. C'est à ce moment que mon aventure avec le digital a commencé.

Les réseaux sociaux, c’était fun, mais ce n’était pas mon truc, alors je me suis orienté vers la rédaction web. Je suis vite tombé dans le SEO.

De fil en aiguille, mes expériences m’ont amené vers le serviciel, et j’ai alors découvert l’UX writing. C’était ce qu’il me fallait : je peux aider des gens et je peux écrire d'où je veux. C'était en 2017 ou 2018 il me semble. Et puis j'ai commencé à avoir des premières expériences en tant qu’UX writer.

Apolline — Je pense qu’on vient presque tous et toutes de la rédaction de manière globale. Je me reconnais beaucoup dans ton parcours. Mais là où ça diverge, c'est qu'aujourd'hui, tu es Lead UX writer, ce que je ne suis pas (rires). En quoi consiste ton job, en quelques mots ?

Axel — Je manage des expertises de la rédaction liées à l'expérience utilisateur. L’UX writing en fait partie, mais pas que. Il y a quelques temps, il y avait dans mon équipe un Technical writer, ainsi qu’une Content manager.

Plus que le management d’équipe, il y a aussi la stratégie et la planification du contenu. Comment est-ce qu'on s'aligne d'un point de vue stratégique avec les décisions de l'entreprise ? Comment est-ce qu'on s'aligne sur les projets ? Comment est-ce qu'on priorise les différents projets ?

Généralement, il n’y a pas plusieurs UX writers dans une entreprise, alors qu’il y a de nombreux projets et plusieurs designers. Par exemple, chez PrestaShop, nous sommes deux UX writers (je m’y inclus), donc nous devons prioriser les projets.

Apolline — Comment sont structurées les équipes produit, design et contenu chez PrestaShop ?

Axel — L’équipe produit est assez centrale. Dans celle-ci, il y a un pôle design, et dans ce pôle design, il y a le pôle contenu. C’est comme un système de poupées russes.

Apolline — Lorsqu’on a préparé l’épisode de podcast, tu m'as indiqué que, dès ton arrivée chez PrestaShop, tu as commencé à travailler sur la place du contenu dans l’entreprise, pour lui donner une certaine structure et visibilité. Quel était le besoin initial ? Quelle était la problématique ?

Axel — PrestaShop est la troisième entreprise dans laquelle je travaille en tant que salarié. Et c'est la troisième entreprise dans laquelle je voyais que la structuration du contenu était floue.

On savait qu’il y avait un besoin de contenu, on savait qu'il y avait des gens qui faisaient du contenu. Mais on ne savait pas exactement qui faisait quoi, et de quelle manière.

Comme je l’ai précisé, mon équipe était constituée d’une UX writer, d’un Technical writer et d’une Content manager. Trois métiers du contenu relativement différents, qui travaillent sur 3 supports différents. Et surtout, qui travaillent en collaboration avec 3 autres équipes différentes : l’UX writer avec les designers et les Product managers, le Technical writer avec l'équipe Support & Care, et la Content manager sur le logiciel open source, notamment sur les aspects de traduction.

En tant qu’experts du contenu, nous étions au cœur d'énormément d'équipes, tout en étant attachés à l'équipe produit et encore plus à l'équipe design. Cela créait une incompréhension parmi ces équipes. Elles ne savaient pas ce qu’on faisait concrètement, sur quoi on travaillait et à quel moment.

Je me suis aussi rendu compte qu'il y avait beaucoup d'autres personnes au sein de PrestaShop qui créaient du contenu. Qui s’occupaient des e-mails, du site Internet, des réseaux sociaux, etc. Tout ce contenu était créé sans qu'il y ait vraiment de chaîne de contribution, de lecture et de relecture. Sans qu’il y ait vraiment de cohérence.

Parfois, côté produit & design, il nous arrivait de travailler pendant plusieurs semaines sur un sujet, puis de voir une communication sur ce même sujet sans qu'on ait été consultés. On parlait donc de la même chose mais pas de la même manière, et sans réel lien.

Cette analyse m'a amené à me dire qu'il y avait le besoin de tout mettre à plat. On a l'air d'être nombreux et nombreuses à bosser sur du contenu. On ne le fait pas tous et toutes de la même manière. On ne le fait pas tous et toutes pour les mêmes raisons. Mais, on parle des mêmes choses, donc il est essentiel de s’aligner.

Apolline — Quand tu utilises le terme contenu, est-ce qu’il s’agit uniquement du contenu écrit, ou cela englobe aussi le contenu visuel ?

Axel — Ça peut englober le contenu visuel. Mais, le point de départ est principalement le contenu écrit. Après, bien sûr, le contenu visuel doit également faire partie du métier. Mais, pour le moment, on se concentre sur le contenu écrit.

Apolline — Je vois complètement le bazar qu’il peut y avoir dans une entreprise autour du contenu. Je l’ai d’ailleurs vu en étant chez Qonto. Certes, tout est très structuré dans chaque service, dans chaque équipe, et, même si on essayait de travailler avec les équipes marketing, CRM, support client, etc., on n’avait pas une visibilité complète de tout ce qui pouvait être produit.

D’ailleurs, en quittant l’entreprise et en passant de l’autre côté de la barrière, puisque j’utilise l’outil, je me suis rendue compte de tous les e-mails et push notifications qui étaient envoyés aux clients !

Si on ne mappe pas tout, on peut vite se retrouver avec beaucoup de communications, en trop grand nombre pour les clients, sans queue ni tête.

Comment as-tu initié ce besoin de restructuration chez PrestaShop ? Est-ce que c'était une demande de l'entreprise ou c'est toi qui as été l’initiateur ?

Axel — Ce n'était pas une demande qui venait de l'entreprise. C'est moi qui ai exprimé ce besoin. C'était la troisième fois que je voyais un schéma similaire. Je me suis dit que je ne pouvais pas recommencer ce schéma et vivre la même chose que dans les autres entreprises, où j'avais subi le manque de clarté.

J’ai soumis l’idée et on m'a encouragé en ce sens. D’ailleurs, je remercie mes managers de me laisser la liberté de mettre des choses en place. C'est une vraie chance !

Il y a donc eu un travail de mapping initial, qui a été, en premier lieu, un mapping des personnes qui produisent du contenu. Ça a été une chasse au trésor.

Nous ne sommes pas si nombreux dans l’entreprise : 250 à 300 personnes environ. Mais ça a été très compliqué de trouver les personnes, justement parce que comme tu le disais, le contenu, c'est vague.

J’ai lancé une sorte de bouteille à la mer dans notre Slack interne : « qui crée du contenu ? Qui travaille de près ou de loin sur du contenu ? »

Mais, les gens n'ont pas forcément la même définition de contenu : certaines personnes ne savaient pas si elles étaient concernées ou non. Donc, cela a pris quand même plusieurs semaines pour identifier les personnes clés autour du contenu.

J'ai alors commencé à organiser une rencontre très simple : un tour de table. Qui a quelle expertise ? Qui a quel périmètre ? Ça peut paraître très bateau, mais cela pose les bases d’une connaissance de l’autre et d’une communication. Chacun et chacune s'est rendu compte qu'il ou elle ne connaissait pas forcément tout le monde, et ne connaissait pas tous les types de contenus qui étaient créés chez PrestaShop.

Le résultat de ce premier atelier a été un mapping des personnes, de leurs rôles et des compétences liées au contenu.

Par extension, cela a permis d'identifier les types de contenus qui étaient créés par ces personnes.

C’est un temps qui a été marquant puisque plus d’une quarantaine de personnes étaient réunies autour de la table. Ce qui montre l’importance du contenu écrit.

Apolline — On sous-estime l’organisation d’un atelier pour apprendre à se connaître. Cela permet d’avoir une meilleure compréhension des expertises des uns et des autres. Ensuite, faire connaissance permet de créer du lien, et la communication est alors beaucoup plus facile. Je ne le mets pas assez souvent en place, mais je devrais le faire systématiquement. Surtout en étant freelance, où je jongle entre différentes équipes.

Pendant cette réunion, je suppose que tu as exposé la démarche ?

Axel — Dès que j’identifiais certaines personnes, j’allais leur exposer l’idée : créer des liens, travailler de manière plus collaborative, avoir une collaboration plus fluide entre les différents sujets, etc. Ça suscitait beaucoup d'entrain.

Le simple fait d'en parler de manière informelle entre deux cafés permettait également de débloquer certains sujets.

Lors de la première rencontre, on a donc repris les bases et partagé ce qu’on faisait et ce qu’on vivait au quotidien.

J’y ai exposé la démarche, dont l’objectif était d'avoir un process Content qui soit clair pour tout le monde. Pour ainsi arriver à la production d’un contenu unifié dans nos communications et à la création d’une stratégie globale pour une expérience du contenu de A à Z.

Qu’il s’agisse du marketing, du care, du produit ou de n'importe quelle autre partie de l’expérience, les utilisateurs et utilisatrices vont être exposés à du contenu. L’expérience ne se situe pas que dans le produit. On peut, ensemble, s'aligner pour créer quelque chose d'unifié, de cohérent et d'engageant pour les utilisateurs et utilisatrices.

Apolline — C'est vrai que, quand on parle contenu et UX writing, on pense à l’expérience produit. Si on arrive à inclure les e-mails et les push notifications, c'est déjà pas mal. Mais alors là, c'est un vrai défi d'avoir cette expérience du contenu très, très large.

Suite à ce premier atelier, qu'est-ce que tu as pu mettre en place ? Est-ce que tu avais déjà une vision, ou une roadmap dessinée pour repositionner la place du contenu ?

Axel — J'avais une roadmap en tête, mais il y a toujours un écart entre ce qu'on a en tête et ce qui se passe en réalité ! (rires)

L’idée était d’avoir ce premier atelier, qui nous mènerait à un deuxième atelier, puis à un troisième atelier, pour travailler de manière progressive, d’abord sur le mapping du contenu, et ensuite sur une stratégie éditoriale complète. Cela demande un niveau de maturité d'entreprise et de contenu assez élevé pour réussir à établir une stratégie éditoriale globale.

Après ce premier atelier, il y a eu beaucoup plus de ‘conscientisation’ du contenu. C’est déjà une belle avancée. Ce premier point a énormément sensibilisé à l’importance d’un contenu cohérent, à l’enjeu d’un contenu dans une expérience utilisateur, et à une plus grande responsabilité vis-à-vis du contenu.

Côté Content design, mon équipe a été amenée à travailler beaucoup plus avec d’autres équipes. Les échanges ont été énormément facilités. On a beaucoup plus de projets qui nous ont été communiqués de la part du marketing notamment. Par exemple, des landing pages sont créées ou des contenus amènent au produit, dans ce cas nous sommes contactés pour collaborer. L’équipe Brand nous contacte aussi beaucoup plus sur des questions liées au site Internet, sur des sujets de refonte ou d'organisation du contenu.

C'est un peu comme s'il y avait des pierres qui se superposaient les unes sur les autres de manière très progressive.

La réalité nous a toutefois rattrapée : nous avons dû reprioriser les sujets sur lesquels on travaillait, ce qui a fait que le travail de restructuration du contenu a été ralenti.

Apolline — Il y a toujours la production qui est toujours là. Aussi, initialement, ce n’était pas vraiment ton job de tout remettre à plat, ce qui est un énorme travail qui demande beaucoup de temps.

Aujourd'hui, où en êtes-vous de la restructuration du contenu ?

Axel — Le mapping des personnes, des expertises et des contenus existants a été fait. Nous avons une base solide. En fin d'année dernière, j'ai créé une sorte de vision de l'équilibre parfait entre les différentes personnes créatrices de contenu. Aujourd'hui, l’idée est d'être dans une démarche d'évangélisation et de responsabilisation auprès des personnes en charge du contenu, mais aussi des personnes qui ne le sont pas mais dont le travail est impacté par le contenu.

L’objectif est de créer et mettre en place des outils pour que les personnes qui créent du contenu puissent le faire en autonomie. C’est ce qu'on est en train de mettre en place, accompagné de mini formations en interne.

Mon équipe travaille beaucoup avec les Product managers, depuis un peu plus d’an et demi. Mais, on se rend compte qu'il y a encore des incompréhensions sur les process et sur qui est responsable de quel contenu. Nous accompagnons donc les Product managers au contenu, de sorte à ce qu'ils soient, avec les Product designers, à même de nous dire quand ils ont besoin de notre intervention et sur quels éléments.

Nous allons faire la même chose côté marketing, mais sur un aspect plus copywriting. L'idée est de les accompagner sur la rédaction : pour qu’elle soit efficace selon leurs objectifs et leurs besoins, et sur laquelle on souhaite appliquer une couche d’UX writing pour être aligné avec ce qu'on écrit dans le produit.

Nous travaillons aussi sur un rapprochement avec l’équipe Brand pour nous assurer d'avoir un alignement qui soit aussi large que possible.

On essaye donc de relier toutes les petites îles du contenu, en créant des ponts entre elles et en facilitant les échanges.

On essaie de communiquer beaucoup plus aussi. Ce n’est pas facile de communiquer auprès de toutes les équipes : certaines sont assez grandes, comme les équipes marketing ou Brand. Pour autant, le fait de se tenir au courant assez régulièrement, ça change énormément de choses.

Apolline — Je reviens sur la formation auprès des Product managers : en quoi consiste-t-elle ?

Axel — Tout d’abord, elle va permettre de leur faire comprendre que le contenu est varié. Ensuite, elle va permettre de créer un process de partage des informations sur tous les types de contenus qui peuvent être intégrés à un projet.

Quand on a un projet de A à Z qui est mené par le produit, on peut avoir du contenu marketing, du contenu produit, du contenu support, et aussi du contenu lié à la traduction. Il est donc essentiel de former les Product managers à toutes les étapes du contenu et leurs spécificités au sein d'un process complet.

La plupart du temps, le besoin en contenu produit était identifié quand la maquette était déjà faite. Le classique besoin en wording. Sauf que, derrière ce besoin en wording, se cachait un besoin beaucoup plus profond de contenu, de structuration et d’architecture de l’information.

Ces formations ont pour objectifs de faire comprendre que le contenu peut aller au-delà de la maquette. Cela inclut aussi les e-mails transactionnels, ou encore les communications sur le site Internet.

L’idée, c’est de définir ensemble le bon moment pour travailler sur le contenu et donc solliciter les équipes et les expertises concernées. De savoir aussi pour quelle raison contacter un ou une UX writer et le temps qu’un tel travail de contenu peut prendre.

Apolline — Et en ce qui concerne les designers, comment ton équipe travaille avec ce métier ? Comment les designers sont-ils accompagnés ?

Axel — Côté design, on a mis en place une méthodologie il y a un peu plus d’an. Il s’agit du framework FOCUSED, structuré par Tristan Charvillat et Rémi Guyot, dont ils parlent dans leur livre Discovery Discipline. C'est une méthode qui découpe les différentes étapes d’un projet de conception.

Dans ces étapes, nous avons défini les moments où le contenu doit être travaillé. À telle étape, les designers doivent nous contacter, pour tel sujet contenu.

Aujourd’hui, nous appréhendons encore la méthode, nous devons l’affiner pour identifier ce qui relève de la priorité ou non. Par exemple, parfois, on se rend compte qu’il n’y a qu’une seule phrase à travailler, alors ce n’était pas vraiment prioritaire.

Globalement, les designers sont assez alertes sur la question du contenu et mon équipe est très intégrée dans l’équipe design. Même si on continue à les sensibiliser : environ une fois par mois, on fait un point complet sur le contenu. On est deux UX writers, à travailler avec une dizaine de designers. Nous n’avons donc pas la possibilité d’être partout. Les designers nous contactent facilement, mais le seul problème qui peut encore persister aujourd’hui, c'est de comprendre quand nous contacter. Donc, nous travaillons toujours sur un process d'identification du besoin en contenu. C'est quelque chose que je suis en train de formaliser.

Cela me fait penser au livre The Business of UX Writing, de Yael Ben-David. Elle y parle de la manière dont on peut identifier un besoin en contenu côté produit, en se posant 3 questions :
  • Est-ce que c'est un problème de périmètre ?
  • Est-ce que c'est un problème de structure ?
  • Ou est-ce un problème de sémantique ?

C'est intéressant parce que ça permet justement d'identifier les besoins en contenu. Savoir si c’est un besoin de surface ou alors quelque chose de plus profond (et donc qui touche à l’architecture de l’information). Cela permet de jauger. On essaye de mettre ça en place pour permettre aux designers de savoir quand nous contacter et savoir quel temps cela va prendre.

Apolline — Je vais l’ajouter à ma pile de livres à lire !

Pour rattacher toutes ces petites îles du contenu, on pense forcément à la cohérence et donc à une approche systémique, et donc à des guidelines. Aujourd'hui est-ce qu'il y a un tone of voice et des premières guidelines qui existent et qui sont formalisés ?

Axel — Oui, cela a fait partie du rebranding réalisé l'année dernière. L'équipe Brand a structuré un brand book avec les guidelines classiques et la charte éditoriale de l’entreprise. À partir de cette charte éditoriale, Julie, avec qui je travaille, a structuré un tone of voice, qu'on est en train d’adapter pour le produit.

L'idée est d'avoir ces guidelines génériques réalisées par la Brand et de pouvoir les appliquer dans chaque équipe, puisque chacune a des besoins spécifiques et ses canaux de communication avec des objectifs d'engagement, d'acquisition, etc. Comment peut-on créer une tonalité qui soit propre à chaque département et qui garde la cohérence de la voix de la marque ? C'est ce qu'on essaie de mettre en place.

Ce chantier a pour le moment été initié côté produit. Nous allons le déployer cette année, pour permettre de garder une cohérence globale à chaque moment de l'expérience. Comment parle-t-on au support client, dans les communications marketing, dans les e-mails, etc. ?

Apolline — Je rencontre souvent une forme de stress lorsque je donne des formations : les équipes expriment leurs questionnements vis-à-vis de la cohérence de la voix sur tel canal de communication, à tel endroit de l’expérience. Alors, je dédramatise et je leur parle de tonalité, qui est finalement plus simple à appréhender. Le plus important, c’est le ton, c’est-à-dire que la voix varie selon les différents points de contact, selon le moment de l’expérience. Et quand je transmets ce message-là, il y a un certain soulagement ! (rires)

En ce moment, je m'intéresse beaucoup au futur de l'UX writing. Dans la dénomination de notre métier, le terme le plus intéressant, c’est « UX » - User eXperience. Cette expérience est très large, elle commence dès le premier contact avec un prospect. Finalement, plutôt que de faire de l’UX writing dans un produit digital, est-ce que notre job ne serait pas plutôt de structurer tout ce contenu créé par plusieurs équipes, de rattacher toutes les petites îles du contenu, comme tu le mentionnais ? Je trouve cette perspective intéressante.

Axel — Je me pose aussi cette question. D’autant plus parce que je n'ai pas pris mes racines dans le design. J’ai une expérience initiale en marketing, autour de la traduction et dans le contenu au sens large. Donc, par nature, j'ai du mal à travailler uniquement sur le périmètre produit. J'ai en tête les différentes incidences. Je sais que si j'écris tel contenu, il va avoir un impact dans l'e-mail qui sera envoyé à un autre moment, ou il va avoir un impact dans la landing page qui sera créée, etc.

Bien sûr, j’ai un petit côté perfectionniste : je me dis que j’ai la responsabilité de l'expérience. Et cette expérience, par définition, n'est pas juste dans le produit.

Sincèrement, je pense que c'est un excès de zèle lorsqu’on se dit que telle personne travaille sur ce périmètre uniquement, et telle autre personne sur un autre périmètre.

Mon périmètre, finalement, c'est l'expérience de contenu.

Je pense que c'est quelque chose aussi qui évolue depuis les dernières années : on est de plus en plus dans une démarche relationnelle, émotionnelle, expérientielle.

D’ailleurs, le terme qui revient sur le devant de la scène est le conversational design.

Aujourd'hui, la question qui se pose, c'est quelle relation veut-on créer avec les utilisateurs et utilisatrices, peu importe le moment de l’expérience ? Quelle histoire veut-on raconter ? L’histoire de la marque, l’histoire du produit. Quelle histoire est-on en train de créer avec les utilisateurs, avec les consommateurs ?

Aujourd'hui, on cherche à avoir un contenu qui est conversationnel, un contenu qui est humain, et surtout un contenu qui est émotionnel et expérientiel. On cherche à créer une relation à travers le contenu, à travers le langage, et ça ne peut pas se faire seulement à un certain moment du parcours. C'est comme si on allait dans un hôtel 5 étoiles et que l’expérience commençait au moment de l’ouverture de la porte de la chambre. Non, l’expérience commence dès la porte de l'hôtel, que cela soit en ligne et sur le lieu.

Apolline — Oui, les entreprises qui fonctionnent et qui durent sont celles qui se concentrent sur ce côté expérientiel et émotionnel, comme Apple ou Google par exemple.

Pour résumer ce que l’on s’est dit, quels sont les chantiers pour 2024 ?

Axel — En 2024, il y a donc les mini formations internes au sein des équipes marketing et produit (notamment les Product managers). Il y aussi la création et la mise en place de plusieurs outils pour travailler sur le contenu en autonomie, et des frameworks communs pour faciliter les échanges. Et puis, nous avons un gros travail de définition de guidelines propres à chaque équipe, et qui permettent de garder cette cohérence globale.

Enfin, il y a l'aspect data. La mesure du contenu et de son impact, c'est quelque chose que je souhaite mettre en place cette année. Est-ce qu'on a un contenu qui est efficient ? Est-ce qu'on a un contenu qui remplit son rôle ?

Apolline — On devrait peut-être mettre en place des petits ateliers entre UX writers et designers pour créer des KPIs liés au contenu. J'ai l'impression que c'est vraiment un enjeu en 2024 dans plusieurs équipes.

Axel — Il y a une progression relativement logique dans nos métiers du contenu, et notamment l’UX writing. Cela fait un peu moins de dix ans qu'on est plus ou moins installés en France, et 5 ans que le métier se déploie dans les entreprises. Même si beaucoup d’entreprises ne savent pas encore ce qu'on fait.

On a d’abord déblayé ce qu’on fait en tant qu’UX writers et comment on le fait. On a tous et toutes les mêmes bases, les mêmes fondations. Alors nous arrivons à un moment de spécialisation : je vois de plus en plus d’UX writers qui travaillent plus spécifiquement sur certains aspects du métier. Nous sommes aussi à un moment où on veut mesurer l’impact de l’UX writing. Quelque chose de vérifiable et qui nous permette aussi d'avoir des leviers.

Apolline — Ça donne des petites idées d'événements à créer…

On arrive à la fin de l'épisode. Quels conseils donnerais-tu à des équipes qui voudraient structurer le contenu ? Par où commencer ?

Axel — C'est une très bonne question. Si on veut structurer le contenu, la première étape est de comprendre pourquoi on veut le faire. Est-ce que c'est parce qu'il y a quelque chose qui ne fonctionne pas aujourd’hui ? Parfois, on veut structurer le contenu parce qu'on a envie d'y voir plus clair, mais en soi l’organisation actuelle n’a pas forcément d'impact négatif, elle n’est pas un risque pour l’entreprise. Donc, je pense que la première étape est d’identifier quel problème le contenu pose aujourd'hui.

Ensuite, il est essentiel d’identifier les personnes qui travaillent sur le contenu. Identifier ces personnes amènera à l’identification des expertises métiers, puis à l’identification des contenus créés. D’abord penser aux personnes avant de penser aux contenus.

Il est important d’accepter que ce chantier va faire changer les choses : cela va avoir un impact au sein de la structure même de l’entreprise. Ça peut déranger, comme ça peut être bien reçu, mais la restructuration du contenu a forcément un impact, parce qu'on change des organisations qui se sont cristallisées naturellement. Cela fait l'effet d'un tremblement de terre. (rires)

Apolline — On adore faire les bouger les choses ! (rires) C’est clairement de la conduite du changement.

Merci beaucoup Axel pour ton partage. Je te souhaite de pouvoir mettre en place ces différents chantiers et de continuer sur ta lancée en 2024. D’ailleurs, je serais curieuse de savoir en fin d'année où ce travail en est 😊.

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