Élevez la recherche utilisateurs au niveau supérieur grâce à l’UX writing

Élevez la recherche utilisateurs au niveau supérieur grâce à l’UX writing

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Dans cet épisode du podcast UX Content Craft, Apolline Rouzé* (animatrice du podcast), co-fondatrice de Lorem UX Writing, échange avec Camille Bourjade, Content designer freelance, Fatiha Belabed, Content designer chez Mews, et Alexandre Prot, UX Researcher et UX writer chez LumApps.

*Pour éviter de parler de moi à la troisième personne dans cet article, permettez-moi d’utiliser la première personne du singulier 😊

Élevez la recherche utilisateurs au niveau supérieur grâce à l’UX writing

La recherche utilisateurs, pour certaines équipes, c'est une étape obligée. Pour d'autres, ça fait grincer des dents : pas le temps, pas le budget, peur inconsciente d'être confronté à une idée contraire...

La recherche, on la perçoit comme un travail compliqué, qui prend forcement beaucoup de temps.

Alors, j'ai eu envie de démystifier, de désacraliser la recherche, en confrontant les pratiques de 3 personnes.

Bien sûr, j'ai voulu me concentrer sur l'UX writing. Pour mettre l'accent sur l'importance de l'information, du langage et des émotions des utilisateurs, et sur l'importance pour une UX writer ou un Content designer de participer à cette phase de recherche.

À mes côtés, j’ai pu compter sur :

Ensemble, on a commencé par reposer les bases avec la définition de la recherche. Pour ensuite s’attaquer à plusieurs questions qui suscitent des débats :

  • Pourquoi est-ce important de participer à la phase de recherche quand on fait du Content design ?
  • Qu'apporte l'expertise UX writing à la recherche ? Comment se nourrissent ces 2 expertises ?
  • Comment convaincre de faire de la recherche ?
  • Est-ce qu’il est possible de tester uniquement le contenu écrit ? Si oui, comment ?

Enfin, notre conversation est ponctuée de nombreux exemples de recherches menées, avec des pratiques souvent applicables simplement.

Bonne lecture ☕

⚠️ On se concentre uniquement sur la recherche utilisateurs.

🎧 Si vous préférez écouter l’épisode de podcast que le lire en article, rendez-vous sur votre plateforme d’écoute préférée.

→ Écouter l’épisode du podcast UX Content Craft

Reposons les bases : comment définir la recherche utilisateurs ?

La recherche utilisateurs, c’est se mettre dans la peau des utilisateurs et utilisatrices, et porter leur voix.

  • Comprendre comment ils et elles se servent de notre produit
  • Comprendre leur quotidien
  • Comprendre leurs problématiques et leurs besoins

Comment faire pour les comprendre ? En allant à leur rencontre : grâce à des discussions plus ou moins informelles, des interviews et des tests. Mais aussi grâce à de l'analyse de données, qui permettent de voir leur parcours sur l'interface.

Pourquoi est-ce important de participer à la phase de recherche quand on est Content designer ?

Il n'est pas toujours possible d'arriver sur un projet dès la phase de recherche. Parce que, bien souvent, les UX writers sont moins nombreux que les Product designers, ou parce qu’ils sont solos. Il est donc essentiel de prioriser. Quels projets sont tellement importants pour le business qu'il est nécessaire pour l'UX writer d’être présent le plus tôt possible ?

Participer à la recherche utilisateurs, notamment en phase de discovery, est essentiel pour une Content designer. Elle a besoin de comprendre le contexte, les besoins des utilisateurs, leurs problématiques, etc. C'est en échangeant avec eux qu'on va pouvoir parler de la même façon et répondre aux besoins avec les bons termes. Cela permet aussi de trouver de nouvelles idées.

En phase de test, participer à la recherche permet de valider les hypothèses.

Enfin, la recherche est un bon moyen d'argumenter ses choix de conception et de contenu face au j'aime/j'aime pas, et ainsi de sortir de la subjectivité.

Quelques exemples pour comprendre comment la recherche et l’UX writing sont de puissants alliés…

  • Exemple n°1 : choisir la bonne terminologie chez LumApps, grâce à un test asynchrone auprès d'utilisateurs et utilisatrices, réalisé sur Maze. Ce test a permis de faire de l'A/B testing sur des mots.
  • Exemple n°2 : réaliser un test de contenu en direct, lors d'un événement LumApps qui a permis de rencontrer des clients. Grâce à du papier et des gommettes, les utilisatrices ont pu expliquer ce qu'elles comprenaient des contenus de la page et en reformuler certains.
Lors de n'importe quel test, on peut se demander que ce qui coince dans la navigation d'un utilisa­teur relève peut-être du contenu. Une des hypothèses d’un blocage peut être un problème de wording.
  • Exemple n°3 : comprendre comment les patients perçoivent les problèmes de santé mentale, quelles sont leurs motivations et difficultés pour la prise de rendez-vous avec des professionnels de santé mentale chez Livi. Fatiha y a découvert plusieurs personas, aux niveaux de connaissances complètement différents. Cela lui a permis de comprendre leurs modèles mentaux : la compréhension, la perception et les craintes. Cela a été clé pour la hiérarchisation de l'information. Cette recherche a aussi permis de comprendre le processus de décision des utilisa­trices et leurs freins. Quand le parcours a été partagé à l’équipe médicale, les professionnels de santé ont exprimé que cela représentait exactement leurs discussions avec leurs patients.
La recherche permet de refléter la réalité du terrain.
  • Exemple n°4 : comment nommer une nouvelle fonctionnalité chez Mews. L'équipe a pris conscience que, si elle ne nommait pas la fonctionnalité à développer, cela aurait un impact sur son adoption par les utilisateurs et utilisatrices. Le nom proposé initialement ressemblait à une fonctionnalité existante. Il est revenu à Fatiha de choisir un nom, rapidement. Pour cela, une solution efficace : échanger avec des utilisateurs pour savoir comment ils nommeraient cette fonctionnalité. Elle avait une semaine pour construire le protocole de test, recruter les utilisateurs, faire les tests, analyser, et définir le nom. Le test était très simple : le contexte a été présenté aux utilisa­teurs, et plusieurs questions leur ont été posées :
    • Selon vous, quelles sont les bénéfices de cette fonctionnalité ?
    • Que vous permet-elle de faire ?
    • Décrivez-la avec vos propres mots
    • Quel mot peut permettre d’identifier la fonctionnalité ?
    • Toutes les personnes interrogées tendait vers le même mot, auquel l'équipe de Mews n'avait pas pensé. Ça paraissait pourtant évident.

Ne jamais sous-estimer l'impact d'un nom sur l'adoption d'une fonctionnalité.
  • Exemple n°5 : savoir comment les entreprises nomment la relation avec les clients de Malt. Parler de ‘projet’ ou de ‘mission’ ? Est-ce qu'il y a une distinction selon le métier ? Pour répondre à ces questions, il était essentiel échanger avec des personnes qui n'avaient jamais utilisé Malt, pour éviter les biais. Camille et sa collègue se sont restreintes à ne pas utiliser les termes ‘projet’ et ‘mission’, et ont posé les questions les plus ouvertes possibles pour laisser les personnes parler avec leur propre vocabulaire. Faits intéressants :
    • La moitié des utilisateurs et utilisatrices ont utilisé spontanément le terme ‘projet’, quand l'autre moitié disait ‘mission’.
    • Quand l'équipe a montré des écrans de Malt, ces mêmes utilisateurs alternaient avec l'un ou l’autre des 2 termes. Les utilisateurs ne faisaient pas de distinction
    • Conclusion : il n'y avait aucune vérité.
    • L’équipe a alors tranché pour un des deux termes, en utilisant toujours le même pour éviter la confusion.

  • Exemple n°6 : améliorer la classification dans une navigation verticale chez Malt, grâce à un tri de cartes mené auprès d’utilisatrices. L’équipe, menée par le Content design, a demandé aux utilisateurs de regrouper des éléments de cette navigation et de nommer chaque catégorie.
  • Exemple n°7 : élaborer des scripts détaillés de test utilisateurs, une collaboration de proximité entre Content designer et UX researcher. La brique ‘content’ donnait un niveau supplémentaire aux questions qui allaient être posées. Concrètement, l'équipe a réalisé une liste de mots interdits. Ainsi, qu'il s'agisse de la Content designer, de l'UX researcher, d'un Product manager ou d’un designer, tout le monde avait en tête ces mots interdits, pour ainsi éviter les biais et éviter d'entraver la spontanéité des utilisateurs et utilisatrices à utiliser leur propre vocabu­laire.
  • Exemple n°8 : améliorer un parcours de génération de rapports de données chez Dailymotion, des rapports plus ou moins avancés avec un certain nombre de critères à remplir. À la fin de ce parcours, l'utilisateur pouvait re-générer un rapport plusieurs semaines ou mois plus tard, dont le call-to-action était ‘Build again’. Cela semblait logique et clair pour l’équipe. Mais, pendant les tests, l'équipe a constaté que les utilisateurs et utilisatrices ne comprenaient pas cette action - pourquoi vouloir regénérer le rapport tout de suite ? Par contre, iels ont indiqué qu’il serait pratique de re-générer le même rapport plus tard. L’hypothèse de départ était donc la bonne. Le terme, lui, n’était pas le bon. Après avoir demandé aux utilisateurs et utilisatrices de nommer cette action, plusieurs personnes ont évoqué le mot ‘template’. Cela semblait évident. Le bouton a alors été renommé en ‘Use as template’.

Selon vous, quel est l'apport de l’expertise UX writing à la recherche utilisateurs ? Qu'est-ce que ça change en termes de regard, de posture, de méthodologie et de ce qui est recherché ?

L'UX writing apporte une touche de finesse et de nuances dans les tests. L'UX writing doit être travaillé pour ne pas biaiser l’expérience et donc les tests. Le contenu doit être nickel pour tester un parcours efficacement.

Lors des interviews, l'UX writer est plus attentif aux mots prononcés, au jargon utilisé et à la manière de formuler les phrases. Ce qui permet de concevoir une interface de manière plus juste, plus pertinente. Cela permet également une meilleure adoption de la fonctionnalité et moins de questions posées au service client.

L'UX writing apporte un regard différent sur la hiérarchie de l'information. En comprenant comment l'utilisatrice pense, quelles informations elle recherche et dans quel ordre, l'architec­ture sera alors pensée de façon à être la plus intuitive possible.

Tester permet de gagner du temps : si ce qu'on produit n'est pas clair, on va devoir retravailler dessus. Et donc mobiliser de nouveau les ressources design, contenu, localisation et développement.
Participer ou mener de la recherche quand on est UX writer, c'est avoir une crédibilité : pouvoir argumenter nos choix de contenu, défendre nos décisions. Il est essentiel de tout documenter.

Question épineuse, qui revient dans pas mal d'entreprises : comment convaincre de faire de la recherche utilisateurs ? Comment convaincre face aux objections du manque de temps, de ressources, de budget ?

En toile de fond, il peut y avoir une certaine peur d'avoir tort : consciemment ou inconsciem­ment, on ne veut pas être confronté à une réalité contraire.

Une des solutions pour convaincre : démystifier la recherche. 1) On a compliqué la recherche, 2) tout le monde n'a pas forcément la même compréhension de ce qu'est la recherche. On peut s'en faire tout une montagne, cela peut être perçu comme protocolaire, compliqué et chronophage. On a l'impression qu'il faut mener la recherche au millimètre près pour avoir de bons résultats.

Il est donc important de décomplexer la recherche.

Pour cela, commencer par se poser la bonne question : de quoi ai-je besoin pour régler ce problème ? De quelles informations ai-je besoin pour avancer ? Quand on est confronté à un obstacle, à un problème qu'on n'arrive pas à résoudre, se poser ces questions va permettre d'éclaircir ces idées, et, si besoin, de faire un test rapide ou quelques interviews.

On peut faire 5-6 interviews ou un test simple, ou encore prendre 1 heure pour créer et envoyer un formulaire, ou 2h pour éplucher des données. Si vous avez un doute sur une hypothèse ou sur un terme, vous pouvez envoyer un formulaire rapide à un échantillon d'utilisateurs.

On peut également tester le contenu auprès de personnes qui n'utilisent pas le produit de manière informelle. Notamment auprès des nouveaux arrivants dans l'entreprise. Ces personnes ont un regard frais et ont généralement un peu de temps et beaucoup de motivation.

Même si le test est mal fait, cela nous permet de réajuster, de réitérer, d'apprendre.

Aussi, il est essentiel de ne pas rester en vase clos : ne pas faire de la recherche qu'entre designers. On peut intégrer des Product managers ou des développeuses lors de la réflexion ou lors des interviews ou du test. C’est valorisant, cela permet d'avoir un regard différent, et ces parties prenantes peuvent constater la valeur de la démarche et ainsi se rallier à la cause.

Quand une personne voit que le plus gros de la réflexion a été fait, elle dira rarement non pour mener à bout le projet de recherche.

Et enfin communiquer sur les résultats de la recherche, aussi minime soit-elle.

Le mot recherche peut faire peur. On imagine quelque chose de très protocolaire, qui prend beaucoup de temps, beaucoup d'énergie. Ce terme entraîne un gros biais qui peut freiner la phase de recherche. Phase qui est pourtant essentielle et qui peut s’avérer simple.

Dernière question, et pas des moindres : est-ce qu'il est possible de tester uniquement le contenu écrit ? Si oui, comment ?

La première école : le contenu écrit ne vit pas tout seul. Il s'inscrit dans un écran, dans un parcours, qui, combiné ensemble, aident à la compréhension. Il est important de tester un contenu dans son contexte. Toutefois, il n’est pas nécessaire d'avoir des designs finis pour tester un concept ou un terme, pour voir comment il est perçu et compris.

La deuxième école : oui, on peut tester le contenu. Par exemple :

  • Tester la hiérarchie de l'information, grâce à un tri de cartes, avec une question ouverte sur la dénomination des catégories.
  • Tester une page où il y a beaucoup de contenu écrit, dans laquelle on a des doutes sur l’utilité de certains paragraphes. On peut alors faire un test de lecture en demandant aux personnes de souligner les mots et phrases avec 3 couleurs différentes selon ce qui est essentiel, ce qui est redondant, ce qui n'est pas compris.
  • Faire de l'A/B testing sur un mot précis, un call-to-action ou encore un titre.
  • Demander aux utilisateurs de noter un texte, de le reformuler ou de redéfinir un terme à l’issue du test, quand ils n'ont plus les écrans sous les yeux.
La question à se poser : est-ce qu'en retirant le côté visuel, on perd des éléments qui sont essentiels à la compréhension du contenu ?
La recherche peut être faite en dehors du contexte professionnel. C'est notre quotidien : par défaut, il est essentiel d’avoir toujours nos yeux ouverts sur les applications et les sites qu'on utilise au quotidien, qui nous apportent forcement des idées que l’on peut reproduire.

Quelques ressources complémentaires… 🔍