Dans le bureau de… Benjamin Perrin, UX writer freelance
« Dans le bureau de… » est notre première série d’articles destinés à vous plonger dans la vraie vie de celles et ceux qui font de l’UX writing et du Content design. UX writers, Content designers, Product marketing managers… mais aussi Product designers et Product managers adeptes de l’approche content-first.
- Des profils variés qui partagent leur vie (et leur avis) sans filtre
- Un format portrait en 10 questions + une boîte à outils
- Du contenu pratique : rituels, ressources, contacts…
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« À quoi ressemble le quotidien des UX writers ? »
C’est LA question qu’on reçoit le plus souvent.
Pour vous répondre, nous nous sommes invitées dans un nouveau bureau, celui de Benjamin Perrin, UX writer freelance.
Benjamin est un créateur et UX writer indépendant passé par la conception-rédaction. Il a travaillé en start-up, en association, et surtout en freelance, pour des entreprises comme Comet, Chance, Betagouv, Creatis ou encore Deezer. Depuis 2019, il est l’auteur de Plumes With Attitude (on vous la conseille fortement !), une newsletter long format dans laquelle il interviewe des personnalités sur leurs écrits et sujets de prédilection. Des voix connues comme Salomé Saqué, Geoffroy de Lagasnerie et Timothée Parrique y côtoient des plumes émergentes comme Margaux Cassan et Sixtine Dano, mais aussi des activistes, des chercheurs, et plein de profils fascinants. À côté de ses activités d’écriture, il a un collectif de DJs et écume les salles obscures comme les salles d’escalade.
On vous laisse en apprendre un peu plus sur lui et son quotidien de freelance.
Bonne lecture ! 📖
L’UX writing est un type d’écriture tourné vers l’empathie, la résolution de problèmes concrets et – très important pour moi – l’honnêteté intellectuelle. On n’écrit pas pour vendre, mais pour guider. J’apprécie d’ailleurs y entendre des discussions autour de véritables enjeux de société comme l’inclusion et la recherche d’accessibilité, mais aussi des coups de gueule contre de mauvaises pratiques comme celles des dark patterns.C’est donc un métier que je trouve bien plus épanouissant que la conception-rédaction. Et même s’il est souvent jugé moins ‘créatif’, je me retrouve davantage dans ses sujets de préoccupation, que je trouve à la fois plus sains, sensés et dignes d’intérêt.
Comment expliques-tu ton job d’UX writer à une personne qui n’y connaît rien (ou presque) ?
L’UX writing, c’est écrire pour guider. C’est trouver les bons mots pour créer des interfaces claires et simples à utiliser.
La mission principale d’un UX writer est de s’assurer que toute personne ait la bonne information pour pouvoir avancer à chaque moment de son utilisation d’un produit donné. Cela nécessite un certain niveau d’empathie, ainsi qu’une sensibilité à l’accessibilité et à l’inclusion.
C’est un métier où l’écriture est davantage tournée vers l’utilité que le style, ce qui m’évoque une certaine forme de vulgarisation.
Tu voulais faire quoi quand tu étais petit ?
Quand j’étais enfant, je voulais être journaliste. Jusqu’à ce qu’un salarié de l’Est Républicain me parle de sa condition à l’occasion d’une rencontre organisée par mon école primaire. Quand je lui ai dit que ça m’intéressait pour quand je serai grand », je me souviens qu’il m’en avait dissuadé en évoquant la précarité du milieu. À noter que c’était bien avant l’arrivée de la crise de 2008 et des réseaux sociaux.
Aujourd’hui encore, je garde un rapport ambivalent avec la profession, entre admiration pour le métier et consternation vis-à-vis de l’évolution des pratiques des acteurs dominants du secteur.
Reste que tenir une newsletter depuis plus de cinq ans m’a rapproché de ce rêve d’enfant. Mais je ne me considère pas comme journaliste pour autant.
Comment es-tu devenu UX writer ?
En tant que concepteur-rédacteur dans des start-ups, j’ai longtemps fait de l’UX writing sans le qualifier comme tel. J’ai souvent eu ce rôle de « plume » de la boîte, avec des demandes de textes qui arrivaient de la part de toutes les équipes : marketing, communication, sales, CRM, et bien sûr produit.
J’avais été sensibilisé à l’UX writing dès 2014, alors que j’étais en stage chez Deezer avec Camille Promérat, qui est depuis devenue une référence dans le métier. Mais c’est chez Comet que j’ai véritablement commencé à m’en rapprocher, suite à une réorganisation qui m’a permis de passer plus de temps sur les enjeux produit liés à l’UX writing.
C’est un métier sur lequel j’ai récemment décidé de me recentrer en tant que freelance, à la fois par choix et par nécessité. Et pour cause : c’est l’un des rares métiers de l’écrit qui n’est pas (encore ?) précarisé et permet d’avoir des missions longues et correctement rémunérées avec des clients. Ceci dit, c’est aussi une fonction qui s’inscrit dans le long terme et va donc souvent gagner à être internalisée par une entreprise.
As-tu des rituels en tant qu’UX writer ?
Alors… ce n’est pas vraiment un rituel mais plutôt une sale habitude : je passe très peu de temps sur l’esthétique quand je dois faire une présentation – par exemple pour un audit UX. Cela donne des slides pour le moins brutes de décoffrage, avec des screenshots sauvages et des annotations franches. Quand je ne travaille pas directement sur une interface, je me concentre sur le fond du propos… souvent au détriment de la cosmétique.
Il y a un sujet qui t’a fait galérer (un peu, beaucoup…) mais dont tu as appris ?
Pour moi, c’est l’évangélisation au sein d’une équipe Tech – et même au-delà – qui donne souvent du fil à retordre. L’UX writing est un métier qui reste encore aujourd’hui largement méconnu et sous-estimé par de nombreuses entreprises. Il faut donc sans arrêt faire ses preuves pour démontrer sa valeur ajoutée, qui ne consiste pas seulement à « remplir des cases » comme on entend souvent. Et même quand la profession et son importance sont bien comprises, la collaboration avec un UX designer peut s’avérer délicate – en particulier dans un cadre de travail à distance au sein d’équipes distribuées. Quand la personne en face n’a pas l’habitude d’avancer en tandem sur de l’UX, faire de la co-construction ne va pas forcément de soi et nécessite souvent un temps d’adaptation.
Il y a quoi dans ta boîte à outils pour travailler ou collaborer ?
Figma, Miro et la Google Suite pour les basiques, et surtout plein de bookmarks vers des références comme cette mine d’or signée Elisa Trippetti.
En tant que freelance, je dois surtout m’adapter aux outils de mes clients. À noter que je n’utilise pas encore trop l’IA pour des missions UX writing, mais ça ne saurait tarder.
Qui est LA personne sur qui tu peux toujours compter pour t’aider ou te challenger sur l’UX writing ?
Apolline et Clara bien sûr ! J’avais beau avoir eu des expériences passées en UX writing, j’ai beaucoup appris avec leur formation Ipsum 1, qui m’a notamment aidé à être plus rigoureux sur le volet Content design. D’autant plus que rejoindre leur communauté m’a permis de centraliser ma veille autour du métier et d’ajouter de l’entraide – plus que bienvenue – à ma vie de freelance.
Tu trouves qu’il y a un sujet dont on ne parle pas assez en UX writing ?
Je vais répondre à ta question de façon détournée. Je suis assez convaincu que mon métier de formation, la conception-rédaction, fait partie des lames de fond qui ont gangréné notre approche du langage, du discours et de la communication. Combiné aux formats courts qui prévalent sur le web comme dans les grands médias populistes, j’ai la sensation que la recherche de slogans percutants, de petites phrases, ou encore de formules vides de sens est un sombre héritage de l’influence colossale de la publicité depuis plus d’un demi-siècle. Autant dire que j’ai un rapport très ambivalent à la conception-rédaction, qui reste un exercice stimulant mais qui incarne à mes yeux de nombreux travers de notre société.
C’est une des raisons qui font que je m’en suis éloigné. Et en l’occurrence, l’UX writing me semble un métier qui correspond davantage à mes valeurs et à ma conception du langage, sans détournement, ni artifices. C’est un type d’écriture tourné vers l’empathie, la résolution de problèmes concrets et – très important pour moi – l’honnêteté intellectuelle. On n’écrit pas pour vendre, mais pour guider. J’apprécie d’ailleurs y entendre des discussions autour de véritables enjeux de société comme l’inclusion et la recherche d’accessibilité, mais aussi des coups de gueule contre de mauvaises pratiques comme celles des dark patterns.
C’est donc un métier que je trouve bien plus épanouissant que la conception-rédaction. Et même s’il est souvent jugé moins ‘créatif’, je me retrouve davantage dans ses sujets de préoccupation, que je trouve à la fois plus sains, sensés et dignes d’intérêt.
Quel est l’argument que tu avances pour aligner tout le monde sur le contenu UX ?
« La perfection est atteinte, non pas lorsqu'il n'y a plus rien à ajouter, mais lorsqu'il n'y a plus rien à retirer. » — Antoine de Saint-Exupéry
Un conseil de pro pour une personne qui voudrait se lancer en UX writing ?
C’est un conseil que je donnerais à toute personne qui choisit un métier de l’écrit en raison de son goût pour les belles lettres : lancez un projet autour de l’écriture à côté (si vous en avez envie). Quand on écrit dans sa vie professionnelle, ça me semble essentiel d’avoir un espace à soi pour créer dans sa vie personnelle.
Bonus : si vous publiez en ligne comme je le fais avec Plumes With Attitude, vous vous rendrez compte qu’un certain nombre de vos enjeux ressembleront à… de l’expérience utilisateur. Vous avez dit UX writing ?
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Merci à Benjamin de s’être prêté au jeu du portrait d’UX writer !
Des UX writers/Content designers que vous aimeriez découvrir ici ? N’hésitez pas à nous suggérer des noms, nous sommes toutes ouïes ☺️
➡️ Dans la même série, retrouvez les portraits de :
- Charline Le Glédic, Lead UX writer à la Direction du numérique de France Télévisions
- Brad Fujimoto, UX writer freelance
- Cécile Poulélaouen, UX writer chez PrestaShop
- Romain Bigache, Lead Content designer freelance chez BforBank
- Alice Mouton, Senior Content designer chez Malt
- Yohann Elmaleh, UX writer et formateur chez Nexton
- Justine Sudraud, UX writer chez Scaleway & Content designer freelance
- Thomas Bouchet, UX writer et traducteur chez Lydia Solutions
- Camille Bourjade, Content designer & Spécialiste Content Ops freelance
- Ludivine Kasteleyn, UX writer chez Pennylane
Les ressources conseillées par Benjamin pour progresser en UX writing
Des livres 📚
La vie est trop courte pour lire des livres sur l’UX Writing plutôt que des œuvres littéraires. Mais si vous y tenez, Gladys Diandoki en a publié un en français : UX Writing, Quand le contenu transforme l’expérience (Lien affilié Eyrolles).
Côté internet 👩🏻💻
Je remets ici la boîte à outils d’Elsa Trippetti, auquel j’ajoute le podcast UX Content Craft d’Apolline.